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La spiritualité. (Texte no. 2) 

La spiritualité. (Texte no. 2) .
Une petite fille assise sur un mur de briques au coucher du soleil, entourée d'une aura de spiritualité. Une petite fille assise sur un mur de briques au coucher du soleil, entourée d'une aura de spiritualité.

La spiritualité. (Texte no. 2) .  Par Robert Clavet, PhD 
Pendant des millénaires, l’humanité croyait que l’univers se limitait à la Terre, au Soleil, à la Lune et à un certain nombre d’étoiles visibles la nuit. Aujourd’hui, nous savons que l’univers est immensément plus vaste, qu’il contient des centaines de milliards de galaxies contenant chacune des centaines de milliards d’étoiles, ainsi que des milliards de milliards de planètes et de satellites. Le spectacle du monde phénoménal impressionne et nous pouvons voir comme une trace de Dieu dans l’intelligence de la nature et encore davantage dans celle de l’être humain par qui l’esprit devient parole. En voulant souligner l’importance de la conscience, Blaise Pascal a écrit : « Quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien. » La valeur de l’être humain (malgré ses bassesses volontaires que le don de liberté rend possible) tient à sa déiformité (l’image de Dieu) tendue vers la ressemblance (la puissance de penser, de créer et la bonne volonté). Dans la symbolique chrétienne, Jésus-Christ étant à la fois vrai Dieu et vrai homme, l’être humain s’élève à cette hauteur où, associé à la deuxième Personne de la Trinité, il participe à la vie divine. Promesse d’une grande floraison créatrice, le Monde, disions-nous d’emblée au début du texte 1, est entré dans une nouvelle époque spirituelle. Au défi des idéologies réductionnistes et des utopies antihumanistes, la connaissance spirituelle reprend ses droits, sans confusion entre la religion, la philosophie et la science. Imprégnée du grand héritage grec et judéo-chrétien, la philosophie spirituelle est une des manifestations de la troisième époque spirituelle, celle de la révélation de l’Esprit et de la liberté créatrice (le Saint-Esprit), la première et la seconde étant celles de la révélation de la Loi (le Père) et du Verbe ou du Logos (le Fils). La révélation de l’Esprit associée à celle du Logos est révélation de « la Sagesse de Dieu » (de la Sophia, présente de toute éternité (L’Ecclésiastique, 24 : 3-18 [Voir : https://lametropole.com/arts/philosophie/la-sophia/ ]). L’amour de la Sophia (« philosophia ») est la source vive de la philosophie spirituelle qui, en contexte de docte ignorance, invite à la gratitude, à la confiance et à l’activité créatrice. La philosophie spirituelle considère les textes de la Révélation comme des expressions d’intenses événements intérieurs qui transcendent l’Histoire, c’est pourquoi elle considère ce grand héritage comme témoignage et tremplin et non comme un corps de données objectivement transmissibles. La révélation de l’Esprit n’est pas une révélation théologique. Elle suppose une intégration créatrice s’accompagnant d’énergies capables de transfigurer la réalité à nos yeux. 
Depuis de nombreux siècles, les différentes cultures et civilisations se sont demandé quelle est la place de l’être humain dans l’univers. Avons-nous un rôle cosmique à jouer ou sommes-nous quantité négligeable ou même une sorte d’erreur finalement hostile à l’harmonie naturelle ? Une confusion entre la religion et la science a amené l’Occident à prétendre que la Terre était le centre du Monde et que les humains en étaient les maîtres absolus. Mais la remise en question du géocentrisme à la suite de la découverte du télescope, la prise de conscience que nous descendons de lignées animales, la découverte que des facteurs d’ordre inconscient influencent notre comportement, l’évidence que nous contribuons à de graves problèmes écologiques qui menacent l’avenir de notre propre espèce, ont occasionné des atteintes majeures à l’image que l’humanité s’était faite d’elle-même. Depuis la fin du 17e siècle, plusieurs furent tentés par le nihilisme. Dans la deuxième moitié du 19e siècle, un Nietzsche a pu écrire : « On est arrivé au sentiment de la non-valeur de l’existence quand on a compris qu’elle ne peut s’interpréter dans son ensemble ni à l’aide du concept de fin, ni à l’aide du concept d’unité, ni à l’aide du concept de vérité. On a compris que le devenir ne tend à rien, n’atteint rien. » Il est vrai que, au plan scientifique, nous sommes incapables de comprendre tous les mystères du cosmos. Mais faut-il en conclure qu’il n’y a rien à comprendre ? Il n’est pas facile d’accepter de pouvoir se poser des questions sans pouvoir y répondre d’une façon certaine. Mais nous avons reçu le cadeau de la vie, de la conscience et de la parole articulée. Bien qu’elles soient sur fond de doutes, des lumières porteuses d’espérance nous sont accessibles. Symbolique de l’expérience spirituelle, la philosophie spirituelle ne contredit jamais la science sur son plan. À partir d’une communauté d’expérience, en contexte de liberté, elle interpelle tous ceux qui, conscients des limites du savoir, désirent élargir leur horizon spirituel. Dans son livre « Physique et microphysique », un Louis de Broglie a écrit : « La Vie nous apparaît sous des aspects opposés : tantôt elle semble se réduire à un ensemble de processus physico-chimique, tantôt elle paraît s’affirmer comme caractérisée par un dynamisme évolutif qui transcende la physico-chimie. » L’idée que le monde spatio-temporel se situe à l’intérieur d’une Totalité ne peut pas être prouvée scientifiquement, mais elle n’est pas incompatible avec les plus récentes découvertes de la physique. L’idée d’une Totalité, qui caractérise la spiritualité, ne peut pas être objectivée. Tant qu’il y a un sujet qui observe et une chose qui est observée, il y a dualité, donc ignorance au sens spirituel du terme. La connaissance spirituelle vise non pas à l’accumulation de savoirs objectifs, mais à l’accroissement du sujet même qui connaît, car c’est « notre regard qui manque à la lumière ». La quête spirituelle suppose de prendre conscience des limites du savoir et de se mettre à l’écoute de notre vie intérieure en ce lieu vivant et vibrant où la raison et l’amour se rencontrent, sans déni du tragique de la condition humaine. 
On ne soulignera jamais assez l’importance de l’enfance, cette réalité mystérieuse et clairvoyante qui, avant la tempête de l’adolescence, peut laisser à demeure un goût d’éternité. À la naissance, nous avons vécu une cassure avec une réalité autre dont le souvenir est plus ou moins présent, mais qui peut temporairement se présenter d’une façon intense comme à la mort d’un être cher. La plupart du temps, nous vivons dans l’illusion de savoir qui nous sommes vraiment. Au long de notre vie, nous construisons et reconstruisons mentalement une identité d’emprunt afin de nous donner une impression de stabilité. Pour y arriver, nous colmatons les brèches avec des images mentales plus ou moins illusoires. Mais celles-ci finissent par engendrer des conflits en nous et autour de nous. La science nous apprend que les choses les plus familières sont des apparences et non ce que la réalité est véritablement. Toutes les formes de matière, vivante et non vivante, doivent leur existence à une énergie universelle toujours prête à se condenser en matière. L’être humain peut dépasser sa conscience ordinaire et éveiller certaines facultés psychiques dont les impressions transcendent les seules facultés sensorielles. Il y a une énergie cosmique à la Source de l’univers, mais nous sommes incarnés dans un corps qui tend à nous limiter aux sensations et aux mirages que celles-ci suscitent. L’un de ceux-ci consiste en l’illusion d’être des entités séparées, alors que nous sommes unis les uns les autres par le même flux de conscience. La conscience humaine peut s’harmoniser avec des énergies qui dépassent de très loin les manifestations du monde matériel. La quête spirituelle consiste à tenter d’harmoniser le plus possible notre conscience avec la Conscience cosmique qui possède la Mémoire des archétypes nous permettant de cheminer vers la ressemblance que nous avons perdue en nous incarnant. 
L’âme est l’intermédiaire entre le corps et l’esprit, celui-ci étant la réalité énergétique la plus profonde de la psyché humaine. La reconquête de notre vraie nature s’accompagne de paroles si englobantes que le mental a du mal à construire ses habituels systèmes représentatifs. Lorsque le mental ne tend plus à absolutiser les apparences, il participe à des énergies transfiguratrices. Malgré les affres de la condition humaine, nous pouvons vivre des moments privilégiés et étancher momentanément notre soif d’infini. Redevenir comme un enfant, c’est ne plus vivre comme une entité séparée. En se libérant des constructions mentales illusoires et des pensées négatives, nous nous disposons à accueillir l’Esprit. C’est cela « guérir par la lumière ». À des degrés divers, l’objet de tout amour connaît une certaine transfiguration à nos yeux. La seule réponse certaine à l’énigme de la vie et de la mort, c’est l’humilité de notre ignorance; mais nous pouvons faire des choix libres par amour. Tous ceux qui sont ouverts à la spiritualité ne sont jamais seuls, car ils appartiennent à une communauté selon l’esprit, à un œcuménisme spirituel libre. Une conscience symbolique ouverte aux grandes traditions spirituelles suppose l’acceptation du dépassement d’une raison autonomiste et dispose à la contemplation. Celle-ci est une attitude de connaissance qui permet de se libérer d’une condition d’esclavage du sensible et de vivre en des moments privilégiés la saisie intuitive de contours intelligibles au mystère de la vie humaine, prodigue de confiance et d’espérance. La philosophie spirituelle tend à retrouver une voie jadis commune d’approche du Mystère où l’expérience spirituelle précède les exigences d’une raison autonome et les fabrications de l’entendement. 
Avant le 20e siècle, on était largement convaincu que le Monde avait environ six mille ans. Aujourd’hui, on parle plutôt de près de quatorze milliards d’années pour l’univers, de quatre milliards et demi pour la Terre, de deux millions et demi pour l’Homo habilis et de seulement trois cent mille ans pour l’Homo sapiens. Cette fois encore, l’humanité s’est interrogée sur leur importance dans le cosmos. Mais les jugements sur la non-importance de l’être humain peuvent être influencés par une conscience esclave du monde sensible qui privilégie le « quantitatif » sur le « qualitatif ». En pensant à l’apport nouveau et inattendu de la physique quantique, il faut garder à l’esprit que la science, tâtonnante et jamais définitive, est en évolution constante. Il faut aussi avoir à l’esprit que les religions ont exprimé une dimension importante de la psyché humaine. Selon Albert Einstein, la spiritualité de l’avenir va découler d’un sentiment né de l’expérience d’une unité en toutes choses, naturel et spirituel. D’accord, dans la mesure où il n’y a pas confusion entre le monde phénoménal et la réalité nouménale (plan de l’unité, de l’éternité et de l’infini). 
À une prochaine semaine pour le texte no. 3.

Docteur en philosophie. Il a enseigné dans plusieurs universités et cégeps du Québec. En plus d’être conférencier, il a notamment publié un ouvrage sur la pensée de Nicolas Berdiaeff, un essai intitulé « Pour une philosophie spirituelle occidentale », ainsi que deux ouvrages didactiques.

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