Pauvre Blanche et politique de basses œuvres. Par Christophe Rodriguez
La non vengée, le mystère Blanche Garneau. Par Michel Viau (scénario). Jocelyn Bonnier (dessins), Glénat, Québec , 149 p.
Commençons cette chronique par une très bonne nouvelle. Nous avons appris que Havana Connection, scénarisée par Michel Viau et mise en dessin par Djibrill Morissette-Phan, venait de tomber dans le giron cinématographique. Une option est sur l’épopée du caïd Lucien Rivard pendant le règne de Fuengo Battista en 1956. Ce bijou de travail fut l’une des plus belles découvertes de l’année 2023.
Michel Viau, « pape » à sa manière de la bande dessinée, poursuit son activité historique sur quelques évènements judiciaires qui ont secoué le Québec d’antan ou presque. Après L’affaire Delorme (1930), Richard Blass-le chat sur un toit brûlant (1970), le voici parti avec son complice, le dessinateur Jocelyn Bonnier, sur l’étrange cas de Blanche Garneau qui déboucha sur un énorme scandale politique (1920) et qui fit presque tomber le gouvernement de Louis-Alexandre Taschereau.
Mystère et pauvre fille
Le 28 juillet 1920 près de la rivière St-Charles à Québec, le corps de la jeune Blanche Garneau est retrouvée sans vie. Qui pouvait bien lui en vouloir, puisqu’elle était sans histoires, et de famille modeste ? L’enquête piétinant et troublant certains élus politiques, la police de Montréal s’en mêle et fait appel, au détective Francis Valois qui est exempt de toutes connaissances dans la Capitale. Bien avant les réseaux sociaux, comme quoi nous n’avons rien inventé, la machine à rumeurs se met en place. Fille de mauvaise vie, fréquentations douteuses, père autoritaire, bref, un alliage explosif qui va rapidement remonter à la chambre des députés.
Les policiers, sont accusés d’incompétence, et, qui sait, de créer de toutes pièces, des preuves. Le Québec traverse bien des tourments avec la prohibition, des journalistes qui essaient vainement de savoir au détriment de leur métier ainsi que de leurs convictions. Et un certain John. H. Roberts, propriétaire du journal The AXE (tout un nom) qui accuse deux parlementaires d’avoir assassiné la jeune fille. Il offre en plus 5000 $ de récompense, somme faramineuse à l’époque, pour qui fournira les renseignements manquants à l’affaire.
De cette tragédie est né un évènement politique, de là à oublier la pauvre Blanche et ses meurtriers. Un roman policier, mais aussi une enquête précise, menée par des maîtres du genre (Viau/Bonnier) qui nous éclaire sur les vicissitudes ainsi que les bassesses de minables politicards en mal de reconnaissance.