Tristan Malavoy, Ce que la nuit déposera dans tes mains

Tristan, un homme en chemise rouge, aux yeux bleus perçants. Tristan, un homme en chemise rouge, aux yeux bleus perçants.
Tristan Malavoy, Ce que la nuit déposera dans tes mains.  Par Ricardo Langlois
Il est auteur, compositeur, poète. Il a été chroniqueur pendant dix ans à Voir. Il a chanté des poèmes de Roland Giguère. Difficile de ne pas l’aimer et admirer ses multiples talents. Malavoy me fait rêver. Comment traduire la beauté des vers? Cette lecture donne peut-être une réponse au non-sens de notre époque.
Où enfuir les restes des étoiles polaires

Peu importe la rhétorique des poèmes, la nuit est douce et je veux m’envelopper et être attentif à ces petits chants lyriques :

« Tu avances en terre brûlée

Ton chant se ramifie

S’encrypte. Il faudra

Retourner chaque pierre, nuit

Cathédrale, cathéter. C’est le temps

Singulier, la création

Déconcertée du monde. » (p. 13 )

Je ne veux pas élaborer de théorie. Je ne veux pas être à la hauteur du poète. Il y a quelque chose de reposant dans sa prose. Aucune résistance. Un chant lyrique en pleine évolution. C’est François Cheng qui décrit le mieux, ce qu’il y a dans ce recueil. Quelque chose qui m’habite depuis toujours. Voici Cheng :

« Ce quelque chose – ou quelqu’un

Venu de loin

Qui s’effleure avec douceur

Dans la velléité de l’aube,

Pour nous annoncer toujours

Le monde recommence. » (1 )

Voici un bel exemple de l’écriture de Malavoy :

« Où s’en va tout ce qui tombe

À l’orée?  Jusqu’où aller sans

Son désir et ses matières premières?

Tu ne sais toujours pas où enfouir

Les restes des étoiles polaires. » ( p. 23 )

La lenteur du poème (État de conscience)

Il y a quelque chose qui ressemble à la lumière du matin, la présence.

Calme des collines au crépuscule. Le monde édénique, tellement menacé par le progrès. Je pense à Emily Dickinson pour les accords musicaux de certains poèmes. Une initiation de l’éternité ( Dickinson ) ou le tramway d’un songe qui me traverse ( Bobin ).

« Tu t’agenouilles au milieu de ce pauvre inventaire,

Nu et incertain de ce que la nuit déposera dans tes mains. » ( p.39 )

Il s’intéresse au cosmos, aux galaxies, aux étoiles. C’est son terrain de jeux. Sur la couverture de son livre, le disque céleste de Nebra découverte en 1999.

Il transcende les secrets de son cosmos intérieur. Il y a quelques poèmes qui sont des haïkus (ou presque) . Voici mon préféré : 

« Le temps traverse les paupières

Le vacarme fait son nid.

Depuis cent ans cette grenade

À quelques mètres de nos enfances. »  (p. 63 )

Je me suis souvenu de Saint-John Perse

L’amateur de poésie que je suis, se reconnait à travers cette écriture. Cette inguérissable nostalgie. Les cerfs-volants de mon enfance. Les fruits qui émergent dans les éclats lyriques. Durant mon errance nocturne, je me suis souvenu de Saint-John Perse :

« Étrange fut la nuit où tant de souffles s’égarèrent au carrefour des chambres. Et qui donc avant l’aube erre aux confins du monde avec ce cri pour moi. »  (2 )

Un souffle singulier pour Malavoy. Le vestige de l’âme sur le patio transformé en clairière. C’est une nuit poétique fugace au-dessus d’un ciel étoilé. Comment dire? Un attirail luisant de mots. De l’inattendu.

Notes
  1. Francois Cheng, « La vraie gloire est ici », NRF, Gallimard, 2015.
  2. Saint-John Perse, « Éloges », NRF, Gallimard, 2016.

L’auteur tient à remercier Tristan Malavoy pour la dédicace très personnelle à mon intention.

Tristan Malavoy a reçu le prix France-Québec 2021 pour son roman « L’œil de Jupiter ».

Tristan Malavoy « Ce que la nuit déposera dans tes mains »,  Mains Libres 2023.

Le Pois PenchéPoésie Trois-Rivière

Ricardo Langlois a été animateur, journaliste à la pige et chroniqueur pour Famillerock.com