Christine Palmiéri, L’éternité n’est jamais loin

Une photo en noir et blanc de Christine Palmiéri souriante. Une photo en noir et blanc de Christine Palmiéri souriante.
Christine Palmiéri, L’éternité nest jamais loin. Par Ricardo Langlois  
Je me suis souvenu de « six mille et deux nuits sous un ciel dOrient » (1). Christine Palmiéri a la nostalgie dun autre Temps. Elle a vécu avec ses trésors : Pascal, Molière, Dylan, Nietzsche. Cette autrice a vécu avec tant de secrets parmi les prophètes et les grands mystiques.
Un immense travail d’écriture
Je vous cite la page 36 pour vous mettre en contexte :
« La pierre se fait plus rare
Maison tant dimages stratifiées fossilisées
De mots
De paroles prononcées
Occultées oubliées
Lenclave de nos souvenirs
La grotte de nos frayeurs
Des mètres cubes datmosphère
Habitée par nos chimères
Que le toit s’écroule les volets senvolent
Les murs tombent » ()
Cest une lecture radicale qui simpose.  Aucun romantisme. Il faut tout remplacer par danciennes espérances. Cette poésie nous apprend à survivre et peut-être aussi à mourirLes images sont fortes dans plusieurs chapitres. Lautrice a un imaginaire dune grande puissance se rapprochant de Pierre Ouellet et jai pensé à un très beau livre « Le quatuor de lerrance » de Serge Patrice Thibodeau (2 ) qui écrivait sur les mythes anciens, la traversée du labyrinthe. Je souligne cette page :
« LOrient
Se tenait loin de l’école
Deux prénoms Mustapha  Halima
À lappel sur la liste de ma classe
Le langage des yeux était puissant
De ce côté de locéan
Véritable paradis des regards
Les femmes se voilaient pour fermer leur bouche
Imaginez la flamme vive jaillissant des yeux
Protestations colère peur tendresse
Amour inquiétudes » () (p. 73 )
Il y a les blessures, la femme soumiseOn cherche à guérir, à reconstruire un moi. La femme qui devient offrande. Vendre son âme ou perdre son âme? Cest un véritable combat contre la Nuit, la confusion. Avoir le regard aiguisé. Apprendre laudace. « Examiner lart à la lumière de la vie » (Nietzsche). Il y a une sorte de délire dimages malgré la grande oraison funèbre de lOrient.

Limage en larmes
Lautrice qui rêvait d’être une princesse dans un théâtre municipal de Casablanca (3 ). La vie est dure et insupportable là-bas. Mon ami Assim qui vit au Québec est obligé denvoyer à chaque mois de largent pour ses vieux parents et sa famille. Christine Palmiéri se rappelle :
« Limage en larmes
Lave la vitre
De nos pupilles
Des murs dair s’élèvent
Dans latmosphère
La mémoire respire ». (p. 95 )
Espérer l’éternité…
Lautrice évoque un rituel de passage. Lindividualité mutilée. Soumis aux lois. À la perte de soi. Un silence dapocalypse sur plusieurs passages.
« Je devais avoir
Les mains propres
Les blanchir à leau de javel
Comme les os
Mais mes rêves
Avaient des allures
De cauchemars
Quand jarrivais
À fermer les yeux. » (p. 128 )
Comment refaire le monde à partir du chaos. « Enfanter une vision rédemptrice » pour reprendre les mots de Nietzsche (4). On souhaite leffondrement des murs. On espère la flèche lente du destin. Un opéra fabuleux à travers les pierres qui saccumulent dans le passé fragile. Il ne doit plus avoir de censure.
Je vous souhaite de lamour, de la tendresse. Ce monde qui est devenu presque asocial par les écrans, le cocooning jusqu’à la névrose. L’être humain est-il si libre en Occident?  La culture, l’éthique, laliénationou un grand poème lyrique pour sauver le monde.
Un livre de combat. Une autrice au regard blessé qui nous fait réfléchir sur notre identité, sur nos combats quotidiens.

Note de lauteur
1. Christine Palmiéri, « Six mille et deux nuits sous un ciel dOrient », LHexagone 2011.
2. Serge Patrice Thibodeau, « Le quatuor de lerrance » suivi de « La traversée du désert ». Un très grand livre sur lexaltation de la foi, le propos humaniste, lobsession de la mort, la violence, la quête spirituelle. Parallèlement à l’écriture de la poésie et de lessai, il a entrepris l’étude des grands textes sacrés. Lors de ma dernière rencontre avec lauteur, il mavait confié quil avait perdu la foi. Paru à lHexagone en 1995.
3. Christine Palmiéri, « Six mille et deux nuits sous un ciel dOrient ». p. 54.
4. Nietzsche, « La naissance de la tragédie », Folio essais, 1986.
Christine Palmiéri est artiste, critique et poète dorigine française, née au Maroc, elle vit au Québec depuis de nombreuses années. Critique dart, elle a collaboré à de nombreuses revues.
Christine Palmiéri, « L’éternité nest jamais loin ». Les éditions Mains Libres, 2023.
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Ricardo Langlois a été animateur, journaliste à la pige et chroniqueur pour Famillerock.com