Luc C. Courchesne, L’étranger du seuil

Une photo en noir et blanc d'un homme barbu, capturant l'essence de L'étrangeté du seuil de Luc C. Courchesne. Une photo en noir et blanc d'un homme barbu, capturant l'essence de L'étrangeté du seuil de Luc C. Courchesne.
Luc C. Courchesne, L’étranger du seuil. Par Ricardo Langlois
Un essai sur la religion. Le monde a changé. J’ai l’habitude de dire que la foi est un don. Hormis les évangélistes, j’aime les mystères de la foi et l’adoration. Comment Courchesne a choisi la foi juive? À travers Rimbaud, Proust, Spinoza et bien d’autres. Créer des amalgames. Il est bon de rêver et d’interroger les livres.
L’emprise du sens
Au-delà de la quête spirituelle, l’auteur se permet de pratiquer le paradoxe sans jamais céder à l’emprise du sens.
La Genèse n’a peut-être pas tort de présenter le libre arbitre comme ce qui distingue le genre humain de toutes les créatures. (…)  Nous ne trouvons notre liberté qu’au contact des autres, dans l’espace quasi divin de la rencontre.  (p. 53)
Courchesne ressent sa spiritualité, la sollicite de manière prosaïque. Il y a (malgré lui) comme un écran entre le langage et la réalité. C’est un poète, il ne faut pas l’oublier. Il a son propre langage. Existe-t-il un chant homogène à travers son livre? Un Chant sacré à la fois incarné, littéraire et psychanalytique. (p. 65)  Pour moi, il s’agit de la dépossession de Soi comme être. (1)  Croire, avoir la foi, c’est un don. Enserrer, embrasser, sourire au limon, aux cent pas… Il y a un effet lyrique (et obsessionnel) dans l’écriture de l’auteur. Il remonte jusqu’à sa propre enfance :   J’ai connu, enfant, à cause du sacré, les tourments de la pensée compulsive, donnant raison au Freud de L’avenir d’une illusion.  (p. 71)
Christian Bobin a une réponse qui est aussi ma façon de comprendre une certaine conception philosophique et spirituelle de l’existence :  J’ai interrogé les livres et je leur ai demandé quel était le sens de la vie, mais ils n’ont pas répondu. J’ai aimé les livres parce qu’ils étaient, des blocs de paix. (2)  Cette citation, au demeurant, est l’antidiscours ordinaire. L’écriture comme géologie existentielle (3) exprime les mots, les références habituelles dans une logique propre à soi. L’auteur a son idée : le judaïsme résiste mieux à l’épreuve de la rationalité que d’autres cultes. (p. 84 )
Portrait  attribué à Baruch de Spinoza
Aux analphabètes de Dieu
Que serait le monde sans la musique, sans l’amour, sans la charité, sans l’essence de Soi. Sans la prière. Le monde est blessé. Le monde est profane. Le monde est cloué sur des images qui défilent sur un Iphone.
Vous êtes passionné pour le judaïsme. Vous parlez de Spinoza. Je suis celui qui suis. La voie de Spinoza ne passe pas par la soumission à une loi révélée par un Dieu transcendant, mais par la seule raison naturelle. Selon l’éthique du philosophe : la joie est bonne, les affects tristes sont mauvais. Vous faites le monde en fouillant les forces innombrables. (3)
En 1981, j’avais recopié presque l’entièreté de 1980 de François Charron. Les années 80 ont été riches pour moi en découvertes de bruissements intérieurs. Cette idée d’éternité, c’est quelque chose qui est ancré profondément en moi . Dieu peut être avec vous, à côté de vous et quelquefois, il vous quitte. À vouloir l’éternité, c’est la vie qu’on trahit. Seuls les morts sont immortels. 
Comment expliquer l’effondrement de toutes les valeurs ancestrales? Le Réel est toujours plus fort. Il faut s’adapter, soigner nos blessures d’enfance, et surtout tenir bon. J’ajoute aussi que malgré la pression du multiculturalisme, le catholicisme a engendré chez le peuple québécois un sentiment fort de solidarité. Avoir la foi est un privilège. Cette lecture permet une ouverture vers le Sacré. Un livre rare.

Notes
  1. Gaston Miron, L’homme rapaillé. Notes sur le poème et le non-poème. Typo, 1999
  2. Christian Bobin, Un bruit de balançoire. Folio, 2019.
  3. Roland Barthes, Le degré zéro de l’écriture. Points, 1972.
  4. Je cite François Charron dans 1980.  Les Herbes Rouges,1981.

Poète, essayiste et artiste visuel, Luc C. Courchesne enseigne la littérature et la création littéraire au CÉGEP.

Luc C. Courchesne, L’étranger du seuil  Les Mains libre, 2023.

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